Virginia L.

Poésie. Dessin.

Christian Bobin

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Voilà quelqu’un qui sait allier prose et poésie. Il est à la recherche constante de l’émerveillement. Pour ceux qui sont en quête de sens, il peut être une réponse. Dans Une petite robe de fête, dans la partie intitulée faiblesse des anges, voilà ce qu’il écrit:

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Tout commence par une déclaration de guerre: je t’aime -et le reste en découle comme par une loi de chute des anges. Je t’aime. Tu es ce qui éveille en moi le sentiment d’amour, puisque tu peux l’éveiller c’est que tu peux le combler, puisque tu peux le combler c’est que tu dois le combler, tu es le complément en moi du verbe aimer, le complément d’objet direct de moi, j’aime qui, j’aime toi, tu es le complément de tout […]

James Baldwin

Né en 1924, à Harlem à New-York, mort en 1987 à Saint-Paul de Vence. Romancier, essayiste, dramaturge et poète, James Baldwin a 46 ans lorsqu’il quitte les Etats-Unis. En l’espace de quelques années, Martin Luther King Jr, Medgar Evers et Malcom X ont été assassinés. De Paris, qu’il connaît bien pour y avoir habité au sortir de la guerre (Il s’est impliqué dans le radicalisme culturel de la rive gauche.), il rejoint Saint-Paul de Vence en 1970. La maison où il s’installa devint un passage, un pont entre les continents. James Baldwin accueillit Yves Montand, Simone Signoret, Nina Simone…

James Bladwin, auteur de I Am Not Your Negro, reçut le 19 juin 1986 les insignes de commandeur de la Légion d’honneur. Dans un texte daté de 1977 paru dans le recueil d’essais Retour dans l’œil du cyclone, il écrit:

Tous les au revoir ne sont pas des adieux: l’histoire de l’humanité retentit de bouleversements, de déracinements, d’arrivées et de départs violents, de bonjour et d’au revoir. Pourtant, je ne crois pas que l’on quitte jamais véritablement sa maison. Quand sa « maison » disparaît sous l’horizon, elle resurgit dans la poitrine et acquiert la force écrasante d’un amour menacé.

Les azalées

Voici une poésie de Kim Sowol:

AZALEES

Quand tu me détesteras et que tu choisiras de partir, je te laisserai aller en silence. J’irai cueillir les azalées des prés du Mont Yak pour les jeter sur ton chemin. Marche doucement sur les pétales, de tes pas doux et silencieux. Quand tu me détesteras et choisiras de partir, je mourrai avant de pleurer.

KIM

  • Kim So-weol-wol (1902-1934) est un poète coréen ayant apporté une grande contribution à la poésie moderne en Corée. Ses thèmes mélancoliques de départs et de renoncements rappellent la chanson folklorique et traditionnelle coréenne Arirang, ce qui lui a valu d’être considéré comme le « poète des chansons folkloriques». Il est né sous le nom de Kim Jeong-sik (김정식) dans un village de montagne à une époque où l’influence japonaise sur la Corée est de plus en plus marquée. Alors qu’il n’a que deux ans, son père est agressé par des travailleurs japonais puis finit par sombrer dans la folie. Kim Jeong-sik est donc élevé par son grand-père. Il se marie à 14 ans.,Il entre à l’école Osan où il fait la connaissance du poète kim Eok qui devient son mentor. Il étudie à l’académie Baejae de Séoul puis part poursuivre ses études à Tokyo. Sur le plan privé, il aide son grand-père à conduire son entreprise mais celle-ci fait bientôt faillite. L’écrivain sombre dans l’alcoolisme et finit par se suicider à l’âge de 32 ans.
  • Kim fait ses débuts en 1920 en publiant ses poèmes dans la revue Changjo et utilise pour la première fois le nom de plume de So-wol (blanche lune) et se fait remarquer par les critiques avec Un jour beaucoup plus tard (Meon hu-il) au sujet d’un amour immortel puis avec le poème Fleurs d’azalée (Jindallae kkot). Depuis 1987, le prix Sowol récompense les poètes coréens.

The moon in a well

J’ai découvert ce poème en regardant le drama The moon that embraces the sun. L’auteur est Yi (Lee) Gyu-bo (1168-1241). Pendant la dynastie Koryo, il a servi de nombreuses familles de haut rang pendant le règne du roi Myeong Jong.

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Le moine vivant en montagne convoitait le clair de lune.

Il remplit une bouteille d’eau pour capturer sa lumière.

Sa proie en main, il revint au temple.

Si tu renverses l’eau, le clair de lune s’en ira

 

 

 

 

J’ai découvert ce texte grâce à ma nièce qui me l’a récité.

Marie et moi de Maurice Carême

Photo de R. Doisneau
Marie et moi, on s’aime bien.

Nous partageons nos petits pains.
Se trompe-t-elle de chemin ?

C’est moi qui la prends par la main.
Elle rit parfois pour un rien.

Je la laisse rire sans fin.
Je ne suis qu’un jeune gamin,

Mais, quand je la tiens par la main,
Je me sens brusquement capable

De tenir tête même au diable.
N’empêche que j’ai peur des chiens,

Et si, par hasard, il en passe,
C’est toujours Marie qui les chasse.

Et c’est elle, sur le chemin,
Qui me reprend alors la main.

Marie et moi on s’aime bien.
Nous nous sentons, dans le matin,

Les deux moitiés d’un même pain.

 

Je le trouve beau, exprimant l’échange qu’il doit y avoir dans l’amour et le tout avec des mots simples. Qu’en pensez-vous?

Maurice Carême

photo de Jeannine Burny

Maurice Carême est né le 12 mai 1899, rue des Fontaines, à Wavre, dans une famille modeste.
Maurice Carême passe à Wavre une enfance campagnarde si heureuse qu’elle sera une des sources d’inspiration de son œuvre.
En 1914, il écrit ses premiers poèmes, inspirés par une amie d’enfance, Bertha Detry, dont il s’est épris. Elève brillant, il obtient, la même année, une bourse d’études et entre à l’Ecole normale primaire de Tirlemont. Son professeur l’encourage à écrire et lui révèle la poésie française du début du XXe siècle.
Il est nommé instituteur en septembre 1918 à Anderlecht-Bruxelles. L’année suivante, il dirige une revue littéraire, Nos Jeunes, qu’il rebaptise en 1920 La Revue indépendante.
Son premier recueil de poèmes, 63 Illustrations pour un jeu de l’oie, paraît en décembre 1925. Entre 1925 et 1930, il est fasciné par les mouvements surréalistes et futuristes. Il publie, en 1926, Hôtel bourgeois, en 1930, Chansons pour Caprine où apparaissent les reflets d’une vie sentimentale assez douloureuse, puis, en 1932, Reflets d’hélices.
Il a fait, en 1930, une découverte qui va s’avérer essentielle pour toute sa démarche poétique – voire romanesque – celle de la poésie écrite par les enfants. C’est, pour Maurice Carême, une remise en question fondamentale au cours de laquelle il revient à une grande simplicité de ton. Il publie d’ailleurs deux essais consacrés à ces textes d’enfants dont il fut l’éveilleur : en 1933, Poèmes de gosses et Proses d’enfants, en 1936.
Il fut l’un des fondateurs du Journal des poètes, en 1931. En 1933, il termine des études de déclamation au Conservatoire de Bruxelles. Il obtient un Premier prix.
Le recueil Mère paraît en 1935. La simplicité profonde des vers lui vaut d’être remarqué par de nombreux critiques littéraires parisiens. L’œuvre reçoit, en 1938, le Prix Triennal de poésie en Belgique et inspire à Darius Milhaud sa Cantate de l’enfant et de la mère

En 1943, Maurice Carême quitte l’enseignement pour se consacrer entièrement à la littérature.
En 1947, paraît La lanterne magique. L’impact sur la jeunesse est immédiat. Les enfants se reconnaissent littéralement dans cette oeuvre. Rapidement, le nom de Maurice Carême se voit associé à celui de poète de l’enfance.
De nombreuses œuvres paraissent et sont couronnées par des prix littéraires en Belgique et à l’étranger.
Les années 1950-1951 sont marquées pour Maurice Carême par une nouvelle remise en question de son art. Il tente d’allier la simplicité complexe de ses vers à la magie de l’image grâce à des images dont l’adéquation au texte sera telle qu’on ne verra plus de celui-ci que la nudité transparente.
A la Pentecôte 1954, Maurice Carême fait un premier séjour à l’abbaye d’Orval. C’est le début d’une période d’intense créativité, doublée d’une patiente mise au point de l’œuvre, qui ne s’interrompra qu’avec la mort. A Orval, il écrit Heure de grâce qui paraît en 1957. Maurice Carême approfondit la lecture des grands mystiques, des philosophes, des sages de l’Inde, de la Chine, se penche sur le Zen, reprend les œuvres de Teilhard de Chardin, de Rabindranath Tagore.
Le 9 mai 1972, il est nommé Prince en poésie à Paris. Pendant les six années qui lui restent à vivre, il part écrire durant l’été en France, publie quatorze recueils de poèmes, un roman fantastique : Médua, un choix de traductions des poètes de Flandre. Trois anthologies de ses poèmes paraissent, plusieurs disques sont gravés.
Il crée le 4 décembre 1975 la Fondation Maurice Carême, fondation d’utilité publique. Il meurt le 13 janvier 1978 à Anderlecht laissant onze œuvres inédites parmi les plus graves qu’il ait écrites. Il est enterré à Wavre dans un lieu où il a joué, enfant.

 

Enfants/Parents

J’ai lu une interview d’Emmanuel Todd:

Il y a une prime à l’abandon […] Les bons parents créent une situation de totale satisfaction chez l’enfant qui n’hésite pas une minute à se débarrasser d’eux puisqu’il en a obtenu tout ce dont il avait besoin. L’enfant qui reste attaché à ses parents toute sa vie, c’est celui dont les parents ne se sont pas occupés. Il demeure dans une sorte d’espoir. Il attend que quelque chose qui n’a jamais eu lieu advienne enfin.

Qu’en pensez-vous?

La vie

Nous sommes à la fois des adultes et des enfants imparfaits. Sans amour, la vie peut être magnifique. Mais la seule chose dont je suis sûre c’est que l’ amour est toujours présent dans nos vies.

L’amour du moment n’est donc jamais le dernier. Je l’appelle le deuxième et dernier amour. Dans la vie, il faut croire en son avenir. Si votre vie de célibataire vous semble terne… essayez d’imaginer votre avenir avec quelqu’un que vous appréciez. Que cette personne soit un ami, un amoureux, un conjoint ou un membre de votre famille… le simple fait d’avoir quelqu’un avec qui partager sa vie l’enrichit et rend heureux en soi.

 

La vie ne devient pas tragique à cause de quelque chose de grave ou parce qu’on regrette certaines décisions.

Si vous avez des regrets, vous pouvez toujours apprendre de vos erreurs. Et si la vie vous apporte de gros ennuis, les belles choses n’en seront que plus précieuses.

Je pense qu’une vie tragique est une vie où rien ne se passe.

La Pietà d’Hyppolite Flandrin

 

Je trouve cette peinture d’une étonnante modernité. Elle est pourtant de 1842. Vous pouvez la voir, la regarder ou bien la contempler au musée des Beaux-Arts de Lyon.b_1_q_0_p_00ALI38EI

Ce tableau est d’Hyppolite Flandrin:

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Il est l’élève de J. A D Ingres. Son travail est représentatif du mouvement. Après avoir obtenu le premier prix de Rome de peinture en 1832, il part pour la villa Médicis. Il pratique d’abord la peinture d’histoire, avant de se tourner vers la peinture religieuse, dont il est un des rénovateurs de ce siècle. Son Jeune homme nu assis au bord de la mer peint à Rome en 1836, est une de ses œuvres les plus réputées. Il est élu membre de l’ Académie des Beaux-Arts en 1853.

Réception critique

« Hippolyte Flandrin complétait Monsieur Ingres ; il était son côté spiritualiste, le transformateur de l’idée païenne de l’enseignement du maître en idée chrétienne : plus préoccupé de l’idéalisation de la pensée que de celle de la forme même, plus amoureux du sens que de la lettre, plus saisi par le sentiment psychologique que par le sens matériel, adonné à ces vagues aspirations mystiques des âmes religieuses qui trouvent les lois de leur esthétique dans les plus profonds et les plus secrets abîmes de leurs croyances. »

— Charles Lahure, Histoire populaire contemporaine de la France, Hachette, Paris, t. IV, 1866, p. 412.

Fiodor Dostoïevski

Si j’aime Dostoïevski, c’est pour cette âme russe qu’il décrit si bien. Il a également des idées qu’il a eu le courage de défendre. Mais aussi pour ces passages qui sont comme des instants de grâce. C’est le cas de cet extrait au début de l’œuvre Les Démons (Les Possédés). Dans le chapitre I, (partie III), il nous raconte la relation entre Stéphane Trophinovitch et une amie Varvara Pétrovna.

Il est hors de doute que Varvara Pétrovna éprouvait souvent pour lui un véritable sentiment de haine; mais il est une chose dont Stéphane Trophinovitch ne se rendit jamais compte, c’est qu’elle avait fini par le considérer comme son fils, comme sa création, et en quelque sorte son invention personnelle; il était devenu la chair de sa chair, et si elle le gardait et l’ entretenait, ce n’était certes pas seulement parce qu’elle « enviait ses talents ». Comme elle devait se sentir offensée par de telles suppositions! Elle nourrissait pour lui un amour ardent, auquel se mêlaient dans le fond de son cœur une haine de tous les instants, de la jalousie et du mépris. Elle veillait sur chacun de ses pas, et ne cessa pendant vingt-deux ans de le soigner et de le dorloter; elle eût passé des nuits entières sans sommeil si sa réputation de savant, de poète ou de citoyen avait couru le moindre danger. Elle l’avait « inventé », et avait été la première à croire à son invention. Il était en quelque sorte son rêve le plus cher… Mais en retour, elle exigeait beaucoup de lui à vrai dire, parfois même une entière servitude. Et avec cela, elle était rancunière à l’extrême.